lundi 9 octobre 2023

Octave Uzanne commente la réédition bibliophilique par le libraire Théophile Belin des Contes de l'abbé de Colibri, nouvelle édition (1881). Le Livre, juin 1881.


Page de titre de la nouvelle édition donnée pour le libraire Théophile Belin en 1881



Contes de l'abbé de Colibri, nouvelle édition, Paris, Théophile Belin. Un vol. in-8° - Prix : 10 francs. (*)

Pourquoi Contes de l'abbé Colibri ? n'eût-il pas mieux valu intituler ce volume de son véritable titre : Le Soupé des petits-maîtres, ouvrage moral en deux parties, par Cailhava d'Estandou ? Les plus érudits dans la littérature du XVIIIe siècle se trompent à ces Contes de Colibri qui ne renferment que le Soupé, oeuvre délicate s'il en fut dans cette note charmante de satires légères telles que Angola, Acajou et Zirphile, Thémidore, Grigri, les Mémoires turcs ou les Quizolin. La dernière édition de ce roman de moeurs fut donnée par Didot le jeune vers la fin du dernier siècle et il est certain que d'édition originale de 1772 et autres réimpressions subséquentes sont recherchées à juste titre.


M. Théophile Belin a donc été bien inspiré en offrant aux amateurs une nouvelle édition de cet opuscule charmant, dans un joli format in-8°, imprimé par Hérissey d'Evreux sur beau papier de Hollande avec toute la correction désirable. Il était difficile de faire un meilleur choix dans les petits Romans galants qui reviennent à la mode du jour, comme des petits chefs d'oeuvre de grâce, de hardiesse heureuse, d'esprit souriant, de pointes malicieuses et aussi comme des guides curieux à consulter pour l'histoire des costumes féminins. Ainsi dans ce Souper des petits-maîtres, les petites-maîtresses foisonnent et éclairent de leur lucéfique beauté les promenades et parties fines du temps, montrant avec les termes exacts des brimborions de toilettes exquises, grasseyant des mots d'un charmant argot de Cythère et laissant entrevoir un coin réel de la vie libertine d'il y a cent ans.

Tous les curieux qui liront ce Souper des petits maîtres y trouveront plaisir et profit, utile dulci, mais l'agréable tient la corde et ce n'est que le véhicule d'une note exacte, quelque chose comme des chiffons du temps qu'on regarde en passant.

U. [pour Octave Uzanne]


(*) Article publié dans la revue bibliographique Le Livre, dirigée par Octave Uzanne (1880-1889), sixième livraison de l'année 1881 (10 juin 1881), dans la rubrique Chroniques du Livre, Editions de bibliophiles et livres d'amateurs.



Exemplaire de l'édition de Didot Jeune, an VI en 2 volumes.


Reliure de la seconde moitié du XIXe siècle.

Photographie : Bertrand Hugonnard-Roche | Librairie L'amour qui bouquine

mercredi 30 août 2023

Hommes et Choses. Notre Bon Maître ou la Gloire Viagère, par Octave Uzanne (Le Dépêche de Toulouse, samedi 3 janvier 1925). Après la disparition d'Anatole France, revue.

HOMMES ET CHOSES

Notre Bon Maître ou la Gloire Viagère. (*)


Durant les vingt dernières années de son règne presque omnipotent sur l'intelligence française, le créateur de Bergeret et de Jérôme Coignard accepta avec une résignation plaisante ce titre de Bon Maître qui devait lui paraître si comique venant parfois d'individualités archimédiocres ou de prétentieux illettrés qu'il accueillait avec mansuétude et souvent accablait d'hyperboliques témoignages d'attachement.

Il tenait d'ailleurs maison ouverte à la curiosité et au snobisme mondain et littéraire. La célébrité lui était payée plutôt en gros sous qu'en monnaie sterling. Depuis longtemps déjà, il ne cherchait plus les balances délicates, des vieux peseurs d'or. Le qualificatif de bon maître, pour lui, avait perdu toute valeur de vénération, Il s'apparentait à celui d'oncle de Montmartre naguère avait accordé à la rondeur caricaturale de Sarcey. Celui-ci aurait sûrement osé dire qu'Anatole France était entré dans la gloire comme dans du beurre. Pour vulgaire qu'elle soit, l'image eût été juste. A aucune époque, écrivain de semblable mérite ne rencontra une moindre résistance au temple de Renommée. On ne citerait guère d'exemples d'un pareil succès mondial obtenu sans luttes contre l'hostilité, l'incompréhension, l'envie des élites et surtout du nombre.

Jamais, je crois, dans l'histoire des lettres, on n'enregistra une si cohérente adulation, un semblable respect collectif d'une œuvre dont les textes, considérés comme des parangons de perfection, devenaient intangibles à la moindre critique.

J'expose ces faits indiscutables pour mieux faire valoir l'étrange spectacle auquel nous assistons depuis que le cher Bon Maître s'en est allé chargé d'ans et de lauriers vers le silence éternel de la tombe, après des obsèques qu'il aurait probablement désirées plus discrètes.

Au lendemain même du jour où tant de discours dithyrambiques s'étaient pour toujours évaporés dans les froides brumes d'octobre, les animosités se sont réveillées, les jeunes qui se refusent aujourd'hui aux vertus des disciples ont pris parti de profaner l'idole, et ont manivesté leur volonté de renier la paternité, spirituelle de M. France, en qui ils retrouvent l'esprit aristocratique, conservateur du siècle dernier, l'opportunisme satisfait ; la flagornerie constante des puissances du jour, l'irrésolution et le manque absolu de sincérité et de convictions. Ils estiment qu'il leur faut des maîtres plus virils, des esprits plus toniques, des cœurs mieux trempés. Bref, celui qu'ils flétrissent du nom de « sibaryte des lettres » leur apparaît aujourd'hui manifestement insuffisant et inadéquat.

En dehors d'innombrables articles de Revues qui sont comme de multiples rançons expiatoires d'un prodigieux et durable succès, il vient de paraître un sauvage pamphlet intitulé Un Cadavre, dans lequel des écrivains notoires de la génération montante montrent une passion virulente à pratiquer l'autopsie de cet illustre défunt. « Songeons écrit l'un d'eux, que les plus vils comédiens de ce temps ont eu. Anatole France pour compère, et ne lui pardonnons jamais d'avoir paré des couleurs de la Révolution son inertie souriante. Etrange revirement d'opinion qui surgit aussitôt la disparition du plus épicurien et du plus nonchalant des renanistes dont on vanta si longtemps comme article de foi le clair génie français, la mesure et la grâce, non moins que l'humanisme, la fine ironie et l'harmonieuse érudition relevée par la splendeur d'un style impeccable.

Ah ! que la gloire se paie cher ! Quels cruels retours elle ménage-à ceux qu'elle a conduit triomphalement vers les capitoles, et combien peu elle mérite d'être sollicitée ou enviée lorsqu'elle n'arrive pas après la douceur heureuse des pénombres, comme le rayon de soleil pâle et mélancolique au fronton des tombeaux clos ! Prématurée, établie dans préjugement des hommes, du vivant de rares virtuoses qui en sont les bénéficiaires, elle est peut-être éclatante, et éblouit ceux qui aiment à papillonner autour des phares, mais ,el1e ne confère pas le bonheur.

Les ivresses des coups de fortune, exceptionnels sont vite consumées, car le lourd esclavage de la célébrité nous force à supporte la collective sottise des louanges, les hommages les plus vulgaires aussi nous pousse sur l'Agora loin des intimités bienfaisantes, au milieu des évasions gueulardes et inharmoniques

La mort d'Anatole France a fait éclôre un nombre assez considérable d'ouvrages sur notre Bon Maitre :  souvenirs, monographies, études diverses, critiques pysiologiques et psychologiques, tant sur l'écrivain que sur ses écrits. Tous ne sont pas particulièremem tendres pour sa mémoire et la valeur de ses œuvres. A consiéder tout cet ensemble, on ne peut s'empêcher d'avoir en pitié cette prudente lâcheté humaine qui a permis d'attendre que le maître soit parti pour l'éternel voyage pour donner libre cours aux critiques, notes et jugements sur les faiblesses, les égarements, les variation d'opinion et le caractère pusillanime ou flagorneur du Bon Maître.

Parmi ces livres, le plus vivant en documentation, le mieux troussé par l'action d une verve ironique, dont le régal persiste jusqu'a la dernière ligne est L'Anatole France en pantoufles, de notre collaborateur Jean-Jacques Brousson, qui fut un long temps le dévoué et spirituel secrétaire de M. Bcrgeret.

Par les créations du philosophe Nicias, de Thaïs, de Jérôme Cogniard, de Nicole Lungélier et autres prototypes des romans de France, qui nous expriment différemment la pensée de leur metteur en scène, nous connaissions les idées générales du maître. Grâce à M. Brousscn, nous vivons avec un père France un peu fantoche, mais irrésistiblement drolatique et si imprévu dans ses discours, ses actes, ses théories et ses paradoxes qu'il nous devient familier comme un spéculateur d'idées incomparables dans leur souple fantaisie qui nous tient tout entier en raison de son invraisemblance et de sa prodigieuse virtuosité intellectuelle.

Pour ceux qui ont fréquenté et goûté France, sans figurer au nombre de ses thuriféraires, comme il m'arriva fréquemment, à des époques diverses de sa vie, Il n'apparait pas que M. Brousson ait exagéré ou inventé tous les curieux propos qui font l'attrait de son livre dont le succès est justement considérable. Je suis assuré que l'auteur de l'Ile des Pingouins aurait pris plaisir infini à le lire et ne se serait pas affligé de l'ingratitude du « malheureux enfant », comme il se plaisait à apostropher Brousson.

Je crois l'entendre me dire avec un sourire de bon Dieu bénisseur : .« Le livre de Brousson a beaucoup de montant, d'impulsion. Ce petit gueux n'a rien omis de mes confidents bavardages, mais tout en faisant de moi parfois un Pulcinello, un pantin barbon dans le style du Fantoccim, ce secrétaire, Scapin irrévérencieux, m'a moins maltraité que Van Dongen qui, dans son fameux portrait, que je me suis refusé à exhiber, a fait de moi une image semblable à un camembert qui coule. »

Puis, peut-être, aurait-il ajouté : « Qui sait si ces historiettes à la Tallemant, ces propos épars de mon espiègle disciple, ne vivront pas davantage que l'ensemble de mes. bouquins ! Tout arrive et, à vrai dire, c'est très amusant, très disert, délicieusement désarticulé. Je m'y reconnais avec surprise, comme devant ces miroirs dé formateurs. convexes ou concaves, qui allongent, élargissent, rapetissent, ratatinent ou mettent en boule soufflée un personnage normal. Tout cela ne vaut pas que je m'en afflige, car c'est un chef-d'œuvre du genre. » 

Qu'on lise, d'autre part, l'Anatole France à la Bechellerie, de Marcel Le Goff ; c'est un film du maître, dans son décor de Touraine, de 1914 à 1924. Cet intéressant volume ne contredit pas celui de J.-J. Brousson. Il y est corroborant, en tant que propos et souvenirs.

Les grands succès piédestalisent les êtres qu'ils érigent au-dessus de la masse. Ceux qui les mettent à leur plan normal, à notre niveau, de plein-pied, nous étonnent et nous choquent peut-être — ce ne sont pas eux qui se trompent : c'est nous !

Octave UZANNE


(*) Article publié dans la Dépêche de Toulouse du samedi 3 janvier 1925. Photo d'illustration : Kees Van Dongen photographié dans une salle d’exposition du Salon international du Franc, à côté de lui, son portrait d’Anatole France, Salon du Franc. Paris. 1926, Thérèse Bonney, cote NN-006-01583, photographie NB, fonds photographiques de la Ville de Paris. © The Regents of the University of California, The Bancroft Library, University of California, Berkeley. This work is made available under a Creative Commons Attribution 4.0 license. Source : Ville de Paris / Bibliothèque historique.

mercredi 23 août 2023

A Octave Uzanne, de la part de son ami, Jules Barbey d'Aurevilly. L'une des toutes dernières dédicaces de Barbey d'Aurevilly, mort le 23 avril 1889.

 


Photo internet | Gazette Drouot | Consulté en ligne

Jules BARBEY d’AUREVILLY (1808 – 1905)

Pensées détachées. Fragments sur les femmes. Paris, Lemerre, 1889. In-12 de (4) ff. (le premier blanc), 85, (1) pp., (1) f., demi-maroquin rouge avec coins, dos à nerfs avec titre et date en lettres dorées, non rogné, tête dorée, couverture et dos conservés (Canape). Edition originale, dédiée par Barbey à son amie la comtesse autrichienne Emmy de Némethy, auteur de plusieurs ouvrages sous le pseudonyme de Jean de Néthy. « La pensée détachée, c'est la flèche qui vole [...], elle vibre, elle traverse, elle va frapper. Eh bien, voyons ! Celles-ci frapperont-elles ? » (Introduction). Emouvant exemplaire enrichi, sur le faux-titre, de cet envoi rédigé de la main de Louise Read et signé à l'encre rouge d'une main tremblante par Barbey : A Octave Uzanne, de la part de son ami, Jules Barbey d'Aurevilly. L'une des toutes dernières dédicaces de Barbey d'Aurevilly, mort le 23 avril 1889.

LIVRES ET MANUSCRITS

Jeudi 12 mai 2022 - 14:00 (CEST) - Live
21, avenue Kléber - 75016 Paris
Pierre Bergé & Associés

mercredi 16 août 2023

Un exemplaire remarquable du Voyage autour de sa chambre d'Octave Uzanne (1896). Illustrations d'Henri Caruchet. Magnifique ouvrage de la période Symboliste et Art Nouveau. Tirage rare à 210 exemplaires seulement pour les Bibliophiles indépendants. Superbe exemplaire de la bibliothèque Léon Schuck relié en maroquin mosaïqué Art Nouveau par Marius-Michel.


Octave Uzanne / Henri Caruchet, illustrateur.

Voyage autour de sa chambre. Illustrations de Henri Caruchet gravées à l'eau-forte par Frédéric Massé, relevées d'aquarelles à la main.

Imprimé à Paris pour les Bibliophiles Indépendants, Henry Floury libraire, Paris, 1896 (Imprimerie Maire, 1897)

1 volume in-8 (27,5 x 21 cm), de 36 pages, toutes gravées à l'eau-forte (texte et encadrement illustré rehaussé à l'aquarelle), suite complète en noir des eaux-fortes avec remarques sans le texte.

Reliure de l'époque plein maroquin bleu nuit, dos à nerfs, plats décorés d'une mosaïque d'iris polychrome (premier plat) se prolongeant sur le deuxième plat (tiges), encadrement intérieur du même maroquin décoré dans les angles de fleurs mosaïquées et dorés, encadrement intérieur de filets dorés, doublures de soie brochée bleu ciel à motifs géométriques, gardes de papier peigne, tranches dorées sur témoins (relié sur brochure). Reliure signée MARIUS-MICHEL. Etui bordé (légèrement frotté. Le dos de la reliure est uniformément légèrement assombri. Les deux couvertures sont conservées en parfait état (dont la magnifique couverture illustrée par Henri Thiriet - voir photo). Le prospectus de l'édition est relié à la fin du volume.


Tirage uniques à 210 exemplaires.

Celui-ci imprimé pour M. Schuck (imprimé - exemplaire de souscription).

Superbe ouvrage magnifiquement illustré par Henri Caruchet dans le plus pur style Art Nouveau et Symboliste.





Le texte a été calligraphié par Antoine Barbier et reporté sur cuivre à l'eau-forte. Les compositions de Caruchet encadrent le texte. Toutes les pages ont été aquarellées à la main sous la direction d'Octave Uzanne. Le volume sort des presses de A. Maire, imprimeur taille-doucier à Paris.









Archétype du très beau livre de bibliophilie fin de siècle.

Provenance : de la bibliothèque de Léon Schuck (vendue en 1931 par Léopold Carteret). Il était membre des Sociétés "Les Cent Bibliophiles" ; "Les XX" , "Le Livre contemporain" et "Le Livre d'Art", etc. "Léon Schuck naquit dans le Midi (Marseille) ; il débuta dans une carrière qu'il devait suivre avec maîtrise ; la préoccupation de ses loisirs fut de réunir des livres" nous dit Carteret dans son Trésor du bibliophile, livres illustrés 1875-1945. Et il se plaça dès le départ parmi les novateurs. Le texte avant tout ! Durant sa longue carrière de bibliophile il va tout subordonner tous les éléments de sa bibliophile au choix des textes. Choix qu'il entendra suivre la seule inspiration de sa fantaisie et de son goût personnel. La vogue et le succès n'auront eu auprès de lui que peu d'emprise. Il vénérait Sainte-Beuve. A l'époque de la Société du Livre (1904), il collabora avec Beraldi, Conquet et Pelletan pour produire la fine fleur du livre illustré de l'époque. Ses choix ne furent pas confus, au contraire, M. Schuck alliait l'élégance et l'unité du goût dans ses choix. M. Schuck ne s'intéressa pas aux livres anciens. M. Schuck tomba malade un peu avant 1913 et on ne trouve presque plus de livres postérieurs à cette date dans sa bibliothèque. Dix années de cruelles souffrances l'épuisèrent peu à peu. Il ne rechercha plus de nouveaux livres. Peu de temps avant de mourir il nota dans un de ses cahiers intimes, d'après Michel de Montaigne : "C'est la meilleure munition que j'aye trouvée à cet humain voyage."








Ce court récit autobiographique (nous n'en doutons pas), a été publié une première fois dans le volume intitulé Le Calendrier de Vénus, en 1880. Sous le même titre Voyage autour de sa chambre, Octave Uzanne nous conte cette histoire malheureuse. Qu’est-ce que ce Voyage autour de sa chambre ? Comme l’indique tout à fait explicitement le sous-titre donné par Octave Uzanne en 1880 : Réminiscence. Du latin reminisci (se souvenir) et de menimi (avoir présent à l'esprit). Le narrateur (Octave Uzanne) se souvient de ses premières amours de dix-huit ans. Mais pas n’importe quels amours, un amour, celui d’une seule, disparue dans la fleur de l’âge. « (…) mignardes hantises de mes dix-huit ans » écrit-il. Ce texte est une complainte à l’amour perdu : « Une ancienne chanson d'amour voltige dans la solitude ; dans ce nid charmant où l'on était si bien à deux, il ne reste que des rêves de volupté indécise et la sarabande enlaçante, mystérieuse et sinistre des souvenirs, ces revenants de l'âme qu'on évoque, qu'on chasse et qu'on appelle encore. » C’est un récit charnel où il évoque les « caresses friponnes d'autrefois ». Cet amour était mortel et mortifère : « quand je jetai mon cœur dans ton âme avec la furie des désirs qui se cabrent et l'impétuosité des prurits cuisants, quand je m'agenouillai pour la prime fois devant ta beauté absorbante, quand nos lèvres allangouries se donnèrent la becquée divine, alors, j'aurais dû cesser de vivre ; j'étais Dieu dans la Création ! » Qui pouvait bien être cette « blonde » aux « longues tresses blondes dont parfois dans sa nudité, elle se faisait un manteau d'or. » ? Nous ne le saurons sans doute jamais. Quelle est la part du rêve et de la réalité ? Le narrateur (Octave Uzanne ?) a aimé ! aimé à perdre la raison, dans ses premières années de virilité. Mais « la mort, en surprenant la pauvrette a fauché mon âme avec la sienne » écrit-il. « O la seule amante aimée, je reviens chaque jour faire ce tendre voyage autour de ta chambre ». Confession ? Romanesque ?


Photographies Librairie L'amour qui bouquine | Bertrand Hugonnard-Roche


Superbe exemplaire parfaitement établi par Marius-Michel en maroquin mosaïqué dans plus pur style Art Nouveau provenant d'une prestigieuse bibliothèque (Léon Schuck).

Un exemplaire remarquable de L'Abbesse de Castro avec des illustrations d'Eugène Courboin (1890) provenant de la bibliothèque d'Angelo Mariani. Luxueuse reliure mosaïquée signée Charles Meunier (1897).


STENDHAL (Henri Beyle, DE). Eugène COURBOIN, illustrateur. Angelo MARIANI (provenance). UZANNE, Octave (directeur de la publication, éditeur).

L'ABBESSE DE CASTRO avec des illustrations d'Eugène Courboin.

Paris, Publié pour les Sociétaires de l'Académie des Beaux Livres (Bibliophiles contemporains), 1890 (achevé d'imprimer le 20 décembre 1890).

1 volume grand in-8 (26 x 18 cm), 170-(2) pages. Toutes les pages sont décorées d'encadrements en camaïeu par Eugène Courboin, eaux-fortes dans le texte gravées par Manesse d'après les dessins d'Eugène Courboin.

Reliure de l'époque plein maroquin violine, dos à deux nerfs, plats décorés d'une guirlande de fleurs oranges et feuillage de houx, décor mosaïqué au centre du premier plat avec rehauts de motifs au fer à dorer avec la devise dorée AMOR A -MORT (avec serpents argentés, anges souffleurs de trompettes, le tout surmonté par une tête de mort en majesté cernée de rayons d'or), avec feuillages. Dos mosaïqué de fleurs de lis avec titre doré au centre. Encadrement intérieur mosaïqué de fleurettes rouges et feuillage doré, doublures et gardes de tabis gris, filet doré sur les coupes, tranches dorées. Etui bordé. Reliure signée CH. MEUNIER 97 (Charles Meunier, 1897). Exemplaire parfaitement conservé. Quelques décharges en regard des gravures.


Tirage à 160 exemplaires pour les membres de la Société des Bibliophiles Contemporains.

Celui-ci imprimé pour Monsieur Angelo Mariani.

Les encadrements par Eugène Courboin sont d'une inventivité et d'une imagination qui annoncent le Symbolisme et l'Art nouveau. Les eaux-fortes insérées dans les pages (différentes tailles) apportent un aspect esthétique supplémentaire à l'ensemble. Ce livre peu connu des bibliophiles, d'un tirage rare, mérite cependant toute leur considération. L’Abbesse de Castro est la plus connue des Chroniques italiennes de Stendhal et constitue un condensé particulièrement riche de l’écriture stendhalienne.









L’écriture de cette chronique est contemporaine de celle de La Chartreuse de Parme : la découverte en 1833 de manuscrits italiens dans les bibliothèques ou chez de riches particuliers fournit la première impulsion à l’imagination de l’auteur, qui ne se démentira jamais jusqu’à sa mort prématurée. Stendhal s’empare de ce matériau et se l’approprie, tant et si bien que la majeure partie de L’Abbesse de Castro n’est en rien une traduction, mais bien une invention.

Cette chronique se présente comme une histoire d’amour impossible entre Hélène, élevée au couvent de Castro, riche héritière d’une puissante famille des environs de Rome, et Jules, fils de brigand, et pauvre parmi les pauvres. Leur différence sociale, la religion, une sourde fatalité : tout s’oppose à leur union et concourt à leur perte. Histoire effrénée d’amour, de violence et de mort dans l’Italie du XVIe siècle, L’Abbesse de Castro revisite les grands mythes amoureux de la littérature. 







Il s'agit du deuxième ouvrage publié par les soins d'Octave Uzanne pour les membres de la jeune société des Bibliophiles contemporains, née à peine un an auparavant (novembre 1889). Octave Uzanne en est le maître d'œuvre. Il emploie ici le talent d'Eugène Courboin qui participera à d'autres publications bibliophiliques pour le Prince des Bibliophiles.



Provenance : de la bibliothèque Angelo Mariani relié pour lui et imprimé à son nom. Angelo Mariani (1838-1914) fut l'inventeur et le propagateur du vin tonique à la coca, dit vin Mariani. Il fut l'ami intime d'Octave Uzanne et de son frère Joseph qui fut son secrétaire et le directeur des Figures Mariani (biographies de personnolités) recueillies entre 1894 et 1914 (puis avec le fils de Mariani de 1914 à 1925). Mariani fut également mécène et bibliophile. 

Photographies Librairie L'amour qui bouquine | Bertrand Hugonnard-Roche


Splendide exemplaire relié en maroquin mosaïqué richement décoré pour Monsieur Angelo Mariani, ami de l'auteur et célèbre inventeur et propagateur du vin à la coca dit Vin Mariani.

Un des plus beaux exemplaires qu'on puisse imaginer pour cet ouvrage.

mardi 15 août 2023

Un Fortuney ... infortuné ... sans fortune ! Lettre du peintre Fortuney à Joseph Uzanne (Marseille, le mercredi 29 mai 1912). "Je suis dans une période noire rien ne me réussit. Tout se ligue contre moi malgré mon courage, mes efforts de tous les instants."



Marseille mercredi 29 mai 1912

Mon cher monsieur Uzanne (*)

Vous ne m'en avez pas voulu n'est-ce pas d'être parti de Paris sans aller vous revoir et vous remercier de votre si grande amabilité à mon égard.
Ma situation était si compliquée (et elle continue même à l'être) que je ne faisais pas hélas ! ce que je voulais.
Ce soir je suis désespéré et j'écris à tout hasard à mes amis de Paris De profundis clamavi !
Je suis dans la situation la plus agoissante qu'il soit possible d'avoir.
Nous allons, ma famille et moi, être expulsés de la villa où nous étions à Carqueranne le 1er juin et je n'ai pas de nouveau logement, pas d'argent et pas de possibilité de vendre mes productions ici, où je suis depuis 10 jours, faisant des efforts inouis pour trouver le billet de 500 francs nécessaire. Je suis dans une période noire rien ne me réussit. Tout se ligue contre moi malgré mon courage, mes efforts de tous les instants.
Je quitte les miens le coeur déchiré (ils ne m'ont vu que 2 jours depuis mon retour de Paris, et ici je suis impuissant à sortir de cet abîme.
J'ai des commandes pour Paris mais qui nécessiteraient une tranquillité relative de 15 jours au moins. Hélas ! Quand pourrai-je être ainsi, ou dormir seulement.


Mes nuits sont affreuses depuis que je suis à Marseille, et devant mon chevalet, dans ma chambre d'hôtel, je ne peux pas trouver un ton, pas faire une ligne, l'angoisse me jette dehors. Je crois que je pourrai dénicher une commande rapide, je sens pour presque rien, ce que je réussis à faire c'est affreux. Je traverse une période effrayante.
Et mes enfants ! qui attendent là-bas, je ne peux pas rester en place à la pensée de ce qui peut nous arriver samedi prochain si je n'ai pas réussi, on nous garderait nos meubles, nos effets, après la saisie de Paris. Je me trouve dans la plus affreuse misère. Et j'ai 5 enfants.
Puisque vous vous êtes offert si généreusement et amicalement monsieur Uzanne à me rendre service que je serais dans l'angoisse, venez à mon aide aujourd'hui. Prêtez-moi cent francs même. Je demande le même service à d'autres amis. Il y en a beaucoup qui ne me répondront même pas, je le sais, mais je sais que vous si vous le pouvez vous ferez cela pour votre malheureux ami;
Si j'étais seul, je ne demanderais rien à personne, mais pour mes petits je me trainerais à genoux pour implorer, et pourtant je suis fier.
Vous ne m'en voulez pas d'abuser ainsi de votre amitiés. Mais je vous sais un si grand coeur, je vous écrit le mien, je vous en serai infiniment reconnaissant.


Envoyez-moi télégraphiquement si possible, je n'ai osé vous écrire qu'au dernier moment, alors que je n'ai plus aucun espoir de m'en sortir tout seul.
Merci d'avance et croyez-moi bien profondément et bien affectivement, votre tout dévoué, peintre et ami, [signé] Fortuney (**) 87 rue de la Palud, Marseille






(*) il doit s'agir ici, sans aucun doute possible, de Joseph Uzanne (1850-1937), rédacteur et secrétaire des Albums Mariani et ami des artistes. En 1912 il travaille encore sur les figures contemporaines Mariani.

(**) Fortuney, Louis Fortuney (1875-1951), de son véritable nom Léon Ernest Fortuné Andrieux, est un peintre pastelliste qui a fait l'Ecole des Beaux-arts de Toulouse. Il dessine le quotidien initié par Toulouse-Lautrec, Renoir, Gervex, Sisley. Anarchiste il refuse d'exposer au Salon. Il peint dans une veine proche du fauvisme et de l'expressionnisme sans pourtant appartenir à aucune école. Il excelle surtout dans le pasetel. "Après une vie parisienne de la Belle époque avec les élégantes chapeautées en ligne de mire et les prostituées, l'artiste amoureux de la couleur se rapprochera de la Méditerranée et de on maître Renoir dans le pays cannois et aussi de l'Estérel dont il saisira les nombreuses calanques. Comme souvent dans ces belles histoires l'artiste décède dans un quasi anonymat, ses oeuvres sont dispersées tout au long de sa vie." (article "Un artiste méconnu, Léon Ernest Fortuné Andrieux" in journal L'indépendant du 15 mars 2016). Au moment de cette lettre (mai 1912), Fortuney à 37 ans et donc 5 enfants. Sa situation financière semble alors des plus critiques. Nous ne savons pas si Joseph Uzanne a répondu favorablement à sa demande d'argent mais l'on peut espérer que tel fut le cas (et pourtant nous savons par diverses sources le côté pingre de Joseph Uzanne). Joseph Uzanne mourut en 1937 dans le plus grand dénument d'après les sources consultées. En 2023 les oeuvres de Fortuney se trouvent assez facilement pour quelques centaines à quelques milliers d'euros (dessins, pastels, peintures). Lettre de notre collection privée | Bertrand Hugonnard-Roche | août 2023

Mise en ligne le mardi 15 août 2023 par Bertrand Hugonnard-Roche

samedi 12 août 2023

François Coppée vu par Octave Uzanne. Article publié dans les Causeries de la Dépêche de Toulouse (parution du Vendredi 29 mai 1908). Envoi autographe et lettre autographe.

CAUSERIES (*)

FRANÇOIS COPPÉE.


    
François Coppée (1842-1908)


    Le poète qui vient de partir pour les régions sereines et les bienheureux séjours vers lesquels sa foi religieuse l'avait depuis longtemps acheminé en un dévot pèlerinage, François Coppée comptait beaucoup d'amis sincères et passionnés dans tous les mondes de l'intellectualité. Son plus bel éloge est de proclamer qu'il les méritait. Il avait des amis, même au camp de ses adversaires politiques, car, s'il s'était engagé avec ardeur dans le lamentable cul de sac du Nationalisme, ce fut par entraînement, par conviction de faire de la bonne besogne, utile au pays. Il était supérieur par la pensée, la bonne foi, le chauvinisme même à ceux qui le poussèrent hors de son cabinet d'étude sur la place publique. Coppée n'était point fait pour ce genre d'action populaire ; son apostolat pouvait s'exercer plus charitablement parmi ces humbles qu'il chanta et affetionna tout particulièrement. Ce fut un brave homme au cœur droit, à l'esprit largement ouvert, d'un goût sûr, d'une fidélité admirable dans ses amitiés, n'ayant aucune mesquinerie dans sa philosophie agissante.

Il conserva toujours une rare belle humeur et un constant esprit gaulois, en dépit de son entrée dans cette religion qui si souvent amoindrit les intelligences, obscurcit la gaieté et donne une odeur de renfermé, d'hypocrisie, de soupçonneux aux vertus sociales. Tous ceux qut l'approchèrent dans son intimité et le fréquentèrent aux belles heures de sa vie sitôt fleurie de succès s'attachèrent à ce causeur délicieux, prodigieusement renseigné, sur les œuvres et les hommes, jouissant d'une mémoire impeccable et apportant dans ses aperçus et ses jugements un esprit d'une originalité, d'une finesse, d'une drôlerie qu'on ne retrouve pas toujours dans ses ouvrages.

    Françojs Coppée fut avecc Sully-Prud'homme, Leconte de Lisle et Catulle Mendès le fondateur de ce groupe poétique des Parnassiens qui exerça une belle influence sur le mouvement littéraire de 1865 à 1875 environ. Très pauvre, employé au ministère de la guerre, unique soutien de sa mère et de sa sœur aînée Annette qui vient d'être enterrée plus qu'octogénaire, il y a quelques jours à peine, le jeune poète adressait au journal l'Art des petits poèmes qui n'étaient guère remarqués. Toutefois à la rédaction de cette petite famille, dans un sombre entresol de la rue des Bons Enfants, il s'était lié avec Léon Dierx, Paul Verlaine, Auguste Villiers de l'Isle-Adam, José-Maria de Hérédia, Louis-Xavier de Ricard, directeur littéraire dudit journal, Stéphane Mallarmé, Emmanuel des Essarta et quelques autres. Tous furent des parnassiens de la première heure, des admirateurs enthousiastes de la forme froide sculpturale et châtiée de Leconte de Lisle et de l'aimable paganisme, du vers flûté, ironique, funambulesque de Théodore de Banville.

    Adolphe Racot, naguère a conté comment se forma la nouvelle école. Ce n'est point le moment de narrer de nouveau l'histoire de ce groupe de la rime riche, adonné à la Renaissance grecque et orientale. Le nouveau parnasse n'était en vérité qu'une dernière expression convulsive du romantisme, un romantisme extra dry et frappé à glace comme le Champagne, mais conservant cependant toutes les vertus originales des maîtres poètes de 1830, dont Hugo, et surtout Theophile Gautier qui fut Parnassien avant la lettre.

    Ce fut vers 1869 que François Coppée fit jouer à l'Odéon, sous la direction de Chilly, le petit acte du Passant, sur lequel ni les acteurs, ni le directeur, ni même l'auteur sans doute, ne comptaient guère et qui fut le succès le plus étourdissant qu'ait jamais connu au théâtre un acte en vers. Il était interprétée par Sarah-Bernhardt et la tragédiemie Agar qui furent consacrées par ce triomphe. J'étais alors au collège et j'assistai à la première du Passant en costume de potache de Roliin ; je me trouvais au parterre tout contre la baignoire réservée à la mère et à la sœur du jeune triomphateur, Il apparaissait souvent auprès des siens avec cette allure simple, modeste et pour ainsi dire effacée qu'il conserva toujours. Si Coppée en effet fut un vaniteux, ce fut entre cuir et chair. Il n'y apparaissait point dans ses gestes, son verbe ou son attitude vis-à-vis de ses plus humbles confrères. Il était affable, communicatif doux et obligeant et les honneurs ne le purent griser pas plus que ne l'exaltèrent à ses débuts la prodigieuse tempête de bravos, le cyclone d'enthousiasme, les tonnerres d'applaudisements renouvellés qui saluèrent sa petite pièce ou la courtisane florentine Sylvia s'éprenait d'amour pour un petit trouvère passant une nuit de printemps et de clair de lune au travers de son parc.

    Cet incroyable succès contribua naturellement à la vente des premières œuvres du poète : les Intimités et le Reliquaire, méconnus la veille, s'enlevèrent le lendemain à plusieurs éditions au grand ahurissement de l'éditeur Lemerre peu habitué aux réimpressions des nourrissons des muses. Bien plus, la faveur impériale s'était arrêtée sur ce jeune barde dont la gloire était à la dois si immédiate, si retentissante et si généralement consacrée. La princesse Mathilde s'était déclarée sa protectrice. Coppée affirmait alors qu'en fait de politique il était du parti des lilas et des roses, mais il n'oublia pas l'intérêt que l'Empire avait porté a ses premiers pas et c'est ainsi, par reconnaissance, qu'il devint bonapartiste impénitent et qu'il se glorifia d'être le dernier bonnet à poète, l'apôtre des légendes Impériales.

    Nul ne fut plus fêté que François Coppée avant et après la guerre. On blagua vivement ses Humbles, sa poésie terre à terre jet réaliste ; on l'imita avec drôlerie, le docteur Camuset imagina le petit chef-d'œuvre du Homard à la Coppée, Fremine, Rollinat, Germain Nouveau publièrent des sonnets réalistes délicieusement comiques, du même esprit que ce Parnassiculet contemporain que déjà avaient composé avec tant de drôlerie Paul Arène et Alphonse Daudet, mais l'auteur du Petit épicier de Montrouge appréciait toute la verve de ces parodies ; il aimait l'esprit, même a ses dépens et ne craignait point de citer avec un sourire satisfait le distique de son ami Léon Valade, ironisant ses bonnes fortunes dans le monde des vieilles actrices :

Jeune il connût la Dèche
et mûr connût la Doche

    C'est que Coppee fut homme de lettres et Parisien dans les moelles. Cet académicien resta bohème presque jusqu'au delà de la Cinquantaine. On le rencontrait à Montmartre, chez Salis et chez Bruant, où il prenait plaisir à se faire tutoyer et nommer « mon vieux François ». Au quartier Latin toutes ces demoiselles des Bullier et les servantes de brasseries eurent en lui un familier durant de longues années. Il était resté étudiant, blagueur, amusant, amoureux des gras propos et des anecdotes fortement épicées. Son langage était volontiers faubourien, argotique, de haute saveur rabelaisienne et son esprit était du meilleur cru français. Un jour il me parlait de la haine apparente des médiocres écrivains et artistes contre les bourgeois, et il ajoutait avec cet adorable sourire qui soulignait l'éclair de malice s'allumant dans son petit œil gris de lin : "Les bourgeois, mon cher, ont une vengeance terrible, la plus cruelle de toutes : ... ils les ignorent." Je ne puis aujourd'hui que donner un salut au brave et excellent homme que pleurent tous ceux qui le connurent. Un peu plus tard, en ces Causeries, j'essaierai de faire revivre un Coppée intime. C'est celui-ci qui demeurera inoubliable.


OCTAVE UZANNE

Pour compléter ce portrait post mortem de François Coppée par Octave Uzanne, nous joignons à ce billet un envoi autographe de ce dernier à l'auteur du Passant placé sur un exemplaire des Contes de Voisenon achevés d'imprimer le 1er juillet 1878. Octave Uzanne est encore un jeune homme des lettresà peine âgé de 27 ans. François Coppée a alors 36 ans. et sa carrière d'auteur est déjà acquise. Voici le contenu de cet envoi :

"à Mon Cher Poète et ami, à François Coppée, cet abbé académicien dont je lui souhaite d'occuper le siège (fauteuil IV aujourd'hui occupé par Feuillet) Son affectionné, [signé] Octave Uzanne"

Compte tenu de la graphie de la signature d'Octave Uzanne on peut dire que ce volume a été dédicacé peu de temps après l'impression du volume soit peu de temps après le 1er juillet 1878.


Collection Bertrand Hugonnard-Roche, acquisition 2022


Nous ajoutons également une lettre autographe de François Coppée à Octave Uzanne datée du 3 novembre 1894 (Uzanne a 43 ans et Coppée en a 52). Voici le contenu de cette lettre :

"Mon cher Uzanne, je suis un très coupable étourdi ; mais j'avais oublié notre entretien dans le couloir du Figaro, et, depuis, j'ai accepté, pour mercredi, une invitation à dîner chez la Princesse Mathilde, ma vieille amie, avec qui je suis en grand retard de politesse. Impossible de me dégager. Si donc - ce que je n'ose vous proposer - vous ne pouvez changer et repousser de quelques jours le jour de votre réunion, je ne pourrai que vous prier de me pardonner mon manque de mémoire, que je vous [illisible] ingénûment, en vous adressant, mes fidèles et affectueux sentiments, [signé] François Coppée.

François Coppée fut élu à l'Académie Française le 21 février 1884 au fauteuil n°10. Voici sa fiche sur le site internet de l'Académie Française :

Poète parnassien, auteur dramatique, conteur, il publia Le Reliquaire en 1866, Les Intimités en 1867, Les Humbles en 1872, plusieurs poèmes à des dates diverses ; au théâtre, il donna à l’Odéon Le Passant en 1869, Severo Torelli en 1883, Les Jacobites en 1885, au Théâtre-Français Le Luthier de Crémone en 1877. Nommé archiviste de la Comédie-Française en 1878, il démissionna après son élection à l'Académie qui eut lieu le 21 février 1884 en remplacement de Victor de Laprade et fut reçu le 18 décembre 1884 par Victor Cherbuliez. François Coppée a prononcé le discours sur les prix de vertu le 16 novembre 1893. En 1898, il entra dans la politique militante à l'occasion du procès célèbre ; il défendit par la plume et par la parole, avec une généreuse ardeur, les institutions militaires, religieuses et sociales qui étaient attaquées avec violence, et il fut l'un des fondateurs de la Ligue de la Patrie Française dont on le nomma président d'honneur. Il fit partie de la Commission du Dictionnaire.


Vente Drouot Paris



(*) publié dans la Dépêche de Toulouse du Vendredi 29 mai 1908

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